Article initialement publié le 2 décembre 2019. Dernière mise à jour : 16 décembre 2021.
Les changements comportementaux, technologiques, économiques et écologiques sont moteurs d’innovation dans l’industrie de la boisson. Ces deux dernières années, la crise sanitaire a fortement bousculé nos tendances de consommation d’alcool et les périodes de confinement ont déstabilisé les stratégies de communication des marques de softs, bières, vins et spiritueux.
Dans ce dossier, nous nous intéressons aux tendances dans la consommation de spiritueux et boissons pour 2022 : boom des sans alcool, sophistication, E-Commerce, multiplication des catégories, cannabis, etc. Comment les marques se sont-elles adaptées à la pandémie ? En quoi les habitudes sociales et comportementales des consommateurs se sont-elles digitalisées ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en énonçant quelques chiffres sur l’horizon 2025.
Pour les plus pressés, vous trouverez les dernières tendances en haut de l’article afin de vous éviter un scroll infini et ainsi vous faire gagner du temps dans votre veille. Un sommaire cliquable est également disponible pour vous rendre directement à la rubrique désirée. Studio Blackthorns vous souhaite une agréable lecture et nous restons à votre écoute pour vos projets de refonte (identité de marque, rebranding de votre distillerie, brasserie, cave ou vignoble). Enjoy ✌️
Les entreprises ne vendent plus des produits à des groupes de consommateurs. Ils proposent des produits adaptés à des occasions de consommation particulières. Le fait d’avoir un portefeuille étendu leur permet d’être plus exhaustifs dans leur approche.
De ce fait, ils comprennent mieux les catégories adjacentes et concurrentes et utilisent des investissements à petite échelle pour en savoir plus sur les nouveaux produits et les nouvelles occasions de consommation.
Du côté de la filière brassicole, les bières sont de plus en plus riches en saveurs et sophistiquées. Exit les choix réducteurs de bières blanches, blondes, ambrées ou brunes. On déguste désormais des recettes que l’on peut réellement qualifier de culinaires : gueuze avocat-mangue-coco, fraise-basilic-citron ou encore milkshake passion IPA… Entre bouteilles, canettes, growlers et demis traditionnels, il y en a pour tous les goûts. Mais on peut se poser la question suivante : la tendance va-t-elle durer ou bien la filière va-t-elle se diriger vers des recettes simplifiées, voire ancestrales (loi de la pureté) ?
Théodore Becquart, consultant-brasseur chez Brewing Theory, nous partage sa vision : « Parmi les styles de bières qui pourraient trouver un public en 2022, nous retrouvons la croissance des bières NABLAB (No Alcohol Beer/Low Alcohol Beer), la fermentation basse permettant de faire ressortir la finesse de certains ingrédients, la belle amertume des Czech Pilsners, la bière de garde, les oenobière, vières ou encore Grape Ales. »
Nous en parlons dans l’épisode de SuperPotion™ ci-dessous, consacré aux tendances ingrédients et recettes à l’approche de l’année 2022.
Les grands acteurs du secteur observent le marché avec intérêt. Constellation Brands a investi 4 milliards de dollars dans les boissons infusées au THC. Tous les regards sont à présent tournés vers le Canada, officiant comme laboratoire géant des boissons au cannabis. Nous pouvons alors nous demander comment les ventes de cette nouvelle catégorie vont se développer en 2022.
Les producteurs affirment qu’à terme, les économies d’échelle et l’amélioration de la technologie permettant à l’huile de cannabis de mieux se mélanger à l’eau feront baisser les prix, mais cela ne permettra pas de surmonter l’obstacle législatif actuel sur la possession qui limite la quantité que les clients peuvent acheter en une seule fois. Par exemple, ils ne peuvent acheter que cinq canettes de 355 ml de Canopy Growth lors d’une seule visite dans un magasin.
La vice-présidente Kamala Harris, qui a plaidé en faveur de la légalisation fédérale du cannabis à usage récréatif pendant son mandat de sénatrice de Californie et de procureure générale de l’État, a désormais l’oreille du président Biden. Les rumeurs au Capitole s’amplifient : Biden inclurait la dépénalisation de la possession et de la consommation de cannabis dans un projet de loi qui sera bientôt publié. Si elles sont fondées, les perspectives des boissons infusées au cannabis augmentent considérablement.
Beaucoup de choses dépendront de la structure et du contenu de toute nouvelle réglementation fédérale, du potentiel de recettes que les différents États voient dans les boissons infusées au cannabis et de la probabilité de rentabilité pour les producteurs. Il en est de même pour la France.
Constellation s’apprête à lancer une gamme de Canopy qui pourrait être distribuée via son réseau national de distributeurs une fois que la production pourra être mise à l’échelle. D’autres, comme Pabst Blue Ribbon et Lagunitas Brewing, ont déjà leurs propres boissons infusées au THC en production aux États-Unis. Mais jusqu’à ce que la loi fédérale change, la Californie restera un terrain d’essai pour développer des boissons infusées au THC et surtout pour affiner leurs stratégies de marketing.
Beaucoup pensent que les boissons infusées au cannabis suivront la même trajectoire que les hard seltzers une fois qu’elles seront plus largement disponibles et que les coûts de production seront réduits.
La Gen-Z représente 32 % de la population mondiale. La persévérance, la curiosité, l’ouverture d’esprit et le multiculturalisme font partie des traits de caractère de cette génération. Beaucoup de jeunes de moins de 25 ans prétendent soutenir des marques engagées et militantes qui arrivent à se libérer des codes établis. Il en résulte une attitude punk, une audace passionnée et une dose d’irrévérence.
Par ailleurs, nous remarquons ces derniers mois une mouvance à la nostalgie des années 90, mêlée à l’utilisation de typographies extravagantes, voire psychédéliques, propres aux années 70.
Malgré les difficultés économiques mondiales causées par le Covid-19, les producteurs et distillateurs continuent à investir massivement dans l’innovation et le développement de nouveaux produits. Cependant, ils sont dans l’obligation de repenser radicalement à la façon dont leurs produits vont être vendus.
Selon un porte-parole de Pernod-Ricard, la pandémie a eu un impact sur leurs innovations dans le domaine du luxe et du Travel Retail. « Dans l’ensemble, notre portefeuille d’innovations a fait preuve de résilience dans le contexte du Covid, ralentissant la baisse de performance du groupe. Cette performance est principalement due à des innovations sur nos marques stratégiques internationales qui ont une orientation hors commerce. En temps de crise, les consommateurs sont toujours sensibles aux nouvelles propositions de valeur. Elles apportent de la nouveauté aux marques. »
Au cours des derniers mois, Pernod-Ricard a enrichi son portefeuille d’innovations avec de nouvelles extensions de gamme pour ses whiskys et rhums irlandais. Diageo a également été actif dans le développement de nouveaux produits, en lançant des scotchs haut de gamme, des liqueurs de saison et des gins et rhums aromatisés. Moët Hennessy a entrepris quelques lancements très médiatisés tels que le nouveau Glenmorangie A Tale of Cake et Belvedere Heritage 176.
L’innovation aujourd’hui ne doit pas seulement concerner le liquide et son emballage, mais aussi les outils de communication utilisés pour leur lancement.
Thorsten Hartmann, directeur de l’IWSR
« Les marques changent, les cycles de vie sont courts et nous comprenons qu’il faut rester à l’affût des dernières tendances en matière de saveurs; c’est pourquoi nous continuons à le faire », ajoute-t-il. « Malgré l’évolution rapide de la dynamique du marché due au Covid-19 et à l’attention accrue portée au E-Commerce, nous avons continué à innover au même rythme. »
Sophia Angelis, directrice générale de l’UDC, Jack Daniel’s Brands, affirme que le whisky du Tennessee n’a pas radicalement modifié ses plans d’innovation à moyen et long terme ; au contraire, il s’est concentré sur des catégories à la pointe de la tendance, comme les Ready-To-Drink (RTD).
Si l’innovation reste un élément clé pour les marques de boissons, un ensemble différent de critères régit aujourd’hui cette partie de leur activité. « Nous concevons des innovations pour répondre à des besoins spécifiques des consommateurs. Nous avons décidé de donner la priorité aux innovations. », explique le porte-parole de Pernod-Ricard.
À ce titre, l’entreprise française vise à renforcer ses marques fortes par l’innovation. Le groupe se concentre également sur les marchés qui font preuve de résilience, avec une forte empreinte commerciale et conçoit spécifiquement des concepts pour le E-commerce.
Le directeur de l’IWSR, Thorsten Hartmann, note que les innovations doivent être soutenues par des stratégies de lancement innovantes si l’on veut que le produit reste pertinent sur un marché en pleine mutation. Par exemple, les nouveaux produits bénéficieront de pratiques créatives en vente physique afin de compenser le manque d’événements de dégustation. « L’innovation ne doit pas seulement concerner le liquide et son emballage, mais aussi les outils de communication utilisés pour leur lancement », déclare-t-il.
Les habitudes de consommation s’orientent vers le monde en ligne. Le contenu et l’engagement des réseaux sociaux offrent ainsi un renouveau dans la communication des marques. Pour faire face à un climat incertain, un sentiment d’entraide est perceptible parmi ces nouvelles communautés digitales.
Les consommateurs veulent rester en contact avec leurs proches, les lieux et les produits qu’ils aiment. Alors que les restrictions s’enchainent pour tenter de freiner la propagation du Covid-19 et de ses variants, l’utilisation des réseaux sociaux s’intensifie davantage. En conséquence, les marques doivent adapter leur marketing intelligemment.
Dans le secteur de la boisson et notamment de la boisson alcoolisée, les valeurs sont portées sur le concept de la convivialité. Malheureusement, en l’absence de contact et d’échange physiques, ce lien social se voit réajusté et repensé. En faisant face à la situation, nous avons fait émerger de nouvelles méthodes de communication et de nouvelles tendances post-confinement.
Lorsque l’ennui, la solitude ou le sentiment d’impuissance s’installe pendant une période de confinement, les gens se tournent vers les réseaux sociaux. Ils y perpétuent des traditions sociales telles que l’happy hour ou les afterworks. Les happy hours virtuels prennent place sur Zoom, Whatsapp, Facebook ou Google. Ce sont des événements à petite échelle, limités à un groupe particulier d’amis ou de collègues.
Certaines marques et bartenders mettent en place ces concepts en lançant des happy hours virtuels ou « skypéros » via leurs réseaux sociaux. Ils offrent du conseil sur les boissons à consommer ou les cocktails à déguster. Les bars virtuels sont également devenus un concept à part entière. Ils permettent de diffuser toutes sortes de contenus digitaux en livestream : des événements online de bartenders, des cours de mixologie, des DJ sets, mais aussi des expériences digitales avec des brand ambassadeurs, des quiz avec des influenceurs du secteur ou des barmen reconnus.
Brewdog, par exemple, a mis en place des Online Bars. Ils diffusent des quiz pour les consommateurs, des « virtual tastings » et des cours de yoga dans leur département sans-alcool. La brasserie Beavertown, elle, a su rester fidèle à son identité de marque en proposant des directs sur Instagram permettant de suivre le directeur de création dans des cours de dessin. Ces initiatives créatives rapprochent la marque de son consommateur et font ressortir avec brio leur essence de marque.
Les hashtags qui encouragent les contests et défis en ligne permettent de maintenir l’engagement des consommateurs. Dans certains cas, ils permettent de collecter des fonds de soutien pour le secteur.
Par exemple, la campagne #liftyourspirits encourageait les gens à se filmer en train de préparer leurs boissons préférées. Ils publiaient la vidéo sur leur profil tout en taguant leurs amis afin de relever le défi à leur tour. Cette campagne suggérait aux participants de faire un don à la National Restaurant Association Education Foundation qui transforme les conseils en dons pour le secteur.
Parallèlement, des campagnes telles que #virtualdrinkshospitality et #virtualdrink4hospitality encourageaient les gens à ouvrir un pot à tips à chaque fois qu’ils buvaient un verre à la maison. Le but de cette démarche était de faire don de leurs pourboires à une cause dans un geste de solidarité et de soutien.
Beaucoup de personnes ont découvert le home-drinking et les services de livraison d’alcool pendant la première phase de confinement. Les marques misent désormais sur les réseaux sociaux via leur rédactionnel et parfois avec des posts sponsorisés. Dans cette concurrence digitale, se démarquer reste la chose la plus importante. Toutefois, il faut le faire avec panache ! Rester authentique, créer de l’intérêt et développer un storytelling qui résonne avec son audience.
En France, nous constatons une forte hausse dans la livraison à domicile et le drive. Les catégories de boissons telles que les bières et les spiritueux connaissent aujourd’hui un essor remarquable.
La Plante du Loup, cave à bières du 7e arrondissement de Lyon, propose depuis mars 2020 la vente en ligne de bières artisanales sur leur site Internet avec possibilité de livraison à domicile. Guillaume et Constant se confient : « On a commencé la livraison avec nos clients fidèles qui ont acheté pour nous soutenir. Puis, le bouche-à-oreille a fait que certains clients qui ne nous connaissaient pas ont testé ce service. Lorsqu’on a rouvert, on a même eu des clients qui sont venus découvrir le bar et la boutique puisqu’ils ne connaissaient pas du tout la partie physique. C’était bénéfique. »
Cette initiative a su recréer du lien social et une proximité client, renouant avec les valeurs d’authenticité et de convivialité de la filière brassicole.
Les ventes totales de boissons alcoolisées en ligne dans le monde devraient être évaluées à plus de 42 millions de dollars américains d’ici quatre ans. Un quart des buveurs dans le monde achèterait actuellement de l’alcool en ligne.
Les jeunes consommateurs en âge légal de boire seraient à l’origine de l’abandon des plateformes « traditionnelles » au profit du E-Commerce.
À mesure que les ventes de boissons alcoolisées en E-Commerce se développent, le nombre de détaillants augmente et les business models se diversifient. Les distinctions entre les différents canaux E-Commerce sont de moins en moins pertinentes pour les consommateurs.
Les données de l’IWSR montrent que d’ici 2025, sur ces marchés, le E-Commerce devrait représenter environ 6 % de tous les volumes de boissons alcoolisées hors commerce, contre moins de 2 % en 2018.
Les jeunes consommateurs en âge légal de boire seraient à l’origine de l’abandon des plateformes traditionnelles au profit du E-Commerce.
IWSR
Selon les nouvelles prévisions de l’IWSR, les boissons alcoolisées mondiales montrent des signes positifs de reprise. Elles devraient connaître une croissance en volume de +2,9% d’ici la fin de l’année 2021.
Le dynamisme du E-Commerce, des boissons gazeuses, et la sophistication croissante des occasions de consommation à domicile stimulent l’industrie. Ce sont ainsi ces tendances qui soutiendront la résilience du secteur alors que ce dernier pivote rapidement pour répondre aux besoins des consommateurs.
Les sous-catégories de whisky ont été plus touchées par la Covid-19, mais elles restent optimistes sur le long terme. Le whisky mondial a connu une baisse de volume de -10,7% en 2020, mais la catégorie devrait rebondir en 2021 et poursuivre sa croissance, soutenue par les États-Unis et l’Inde.
Au Royaume-Uni 40 % des consommateurs de boissons sans alcool sont des « substitueurs ». La génération Z (46 %) et les Millennials (41 %) sont les plus susceptibles d’opter pour ce type de boisson par rapport aux boomers (36 %).
Pour conclure ce dossier, les résultats indiquent que les comportements des consommateurs adultes sont restés stables sur la plupart des marchés. Les augmentations sont dues à des consommateurs généralement plus jeunes, urbains et plus aisés. Ces consommateurs sont relativement à l’aise dans cette nouvelle normalité. Les consommateurs ne signalent pas de changement notable dans leurs catégories préférées, bien qu’ils déclarent dépenser davantage pour le whisky, le cognac, le champagne, le vin, la tequila, la bière artisanale et le gin.
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